dimanche 20 décembre 2015

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jeudi 17 décembre 2015

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Variation de la consommation de viande dans le monde J'ai trouvé cette carte de NG sur l'oiseau… https://t.co/9sCbFoFv41


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mercredi 16 décembre 2015

L’habitat pavillonnaire à rebours des idées reçues

Le livre d’Anne Lambert représente un apport majeur aux sciences sociales de la ville, à plusieurs titres. D’abord, parce que, fait rare, l’analyse monographique y est située dans le temps : dans l’histoire à la fois de la politique du logement et de la sociologie urbaine, en France comme aux États-Unis – l’auteure retraçant, à travers l’une et l’autre, les grandes étapes d’évolution de l’habitat pavillonnaire depuis le second après-guerre. Ensuite, en raison de sa méthodologie, car cet ouvrage confirme la fécondité d’une triple approche : la combinaison de l’analyse statistique et de l’enquête ethnographique, la seconde s’appuyant sur la première tout en la complétant ; la saisie de l’habitat pavillonnaire à travers ses multiples aspects morphologiques et effets sociologiques ; l’examen du peuplement de l’habitat considéré et des trajectoires sociales et spatiales des individus et ménages concernés, pour comprendre, dans le sillon ouvert par Jean-Claude Chamboredon et Madeleine Lemaire (1970), les modes de vie et les relations sociales au sein de cet espace de cohabitation. Enfin et surtout, cet ouvrage est un apport parce qu’il propose de façon très explicite une véritable sociologie de l’espace, en montrant en quoi logement et habitat spécifient, voire modifient, les hiérarchies et les clivages sociaux, mais aussi les relations de genre, de classe et de « race », ainsi que les postures, représentations et pratiques dans le monde social et politique. À cet égard, un seul regret : le titre du livre aurait pu annoncer plus explicitement ce trait important de l’analyse de son auteure.

L’habitat pavillonnaire dans le temps : continuités et ruptures

Cette étude monographique concerne, précisons-le, un lieu et un moment précis. Elle porte sur un lotissement de maisons individuelles situé dans le nord industriel de l’Isère – dans une commune de la périphérie est de l’agglomération de Lyon – dont le peuplement débute en 2007, l’enquête se déroulant entre 2008 et 2012. Mais les retours en arrière de l’analyse permettent de prendre toute la mesure des changements sociologiques et spatiaux de l’habitat pavillonnaire, au prisme des travaux réalisés en histoire, géographie, sociologie et science politique. Il en ressort une série de continuités et ruptures, dont on soulignera ici celles qui sont, à nos yeux, les plus saillantes.

En premier lieu, le développement de l’habitat pavillonnaire, et tout spécialement de l’accession des classes populaires à la propriété d’une maison individuelle, est en France étroitement dépendant de la politique sociale du logement depuis les débuts de celle-ci au XIXe siècle. L’auteure revient sur les phases de plus ou moins grande largesse de l’aide publique réglant la solvabilité, et donc l’accès à la propriété, des catégories sociales modestes depuis les années 1950 – mais ceci est vrai également pour la période antérieure, qui a vu la première importante ouverture de crédits subventionnés avec la loi Loucheur de 1928. L’ouvrage n’est pas sans rappeler, en outre, le poids prépondérant des pouvoirs publics, de l’arène politique et médiatique, mais aussi du discours savant dans la production et la diffusion de l’image de l’habitat pavillonnaire. Le pavillon a été d’abord vilipendé, rappelons-le, comme une « lèpre » lors de l’exaltation des « grands ensembles » d’immeubles collectifs – au cours de ces années 1960 où les banlieues pavillonnaires étaient encore les bastions « rouges » bâtis sur le socle des « lotissements défectueux » des années vingt et trente. Il a été ensuite regardé comme une panacée par des pouvoirs publics qui remplacèrent en 1977 « l’aide à la pierre » par « l’aide à la personne », tandis que les défenseurs de « la classe ouvrière » – parmi lesquels se comptait un large pan de la sociologie française et britannique – le tenaient pour véhicule et symbole de l’embourgeoisement. Enfin, au tournant du XXIe siècle, c’est la stigmatisation des « grands ensembles » devenus « cités » – ou « quartiers » voire « bâtiments », selon le mot de ceux les ayant quittés, comme le relève l’auteure – qui donne au pavillon ses lettres de noblesse et en renforce le pouvoir d’attraction.

En second lieu, au-delà d’une simple analyse de morphologie sociale de l’habitat considéré, le livre insiste sur ce qui distingue les catégories les plus modestes et les petites classes moyennes quant au mode d’entrée dans le lotissement pavillonnaire – et donc aussi la confrontation avec les agents qui rendent cette entrée possible –, au mode de construction de la maison, aux styles de vie, aux relations sociales et pratiques politiques. À propos des catégories les plus modestes, de grandes continuités historiques sautent aux yeux. L’auto-construction et le recours à l’entraide pour bâtir apparaissent, tout d’abord, comme une constante : de l’entre-deux-guerres aux années 2000, ce mode de réalisation de la maison est propre aux classes populaires – y compris les professions intermédiaires manuelles. L’âge d’accès à la propriété ensuite : toujours plus tardif que celui des classes moyennes et supérieures, il varie néanmoins dans le temps selon les modalités et l’ampleur de l’aide publique qui déterminent les possibilités de recours au crédit et la durée de l’endettement, celle-ci ayant augmenté considérablement dans les années 2000. Dernière continuité : la réussite de l’accession à la propriété pour les couples appartenant aux classes populaires est favorisée, voire conditionnée, par le maintien dans l’emploi de la femme et donc par la proximité au nouveau domicile à la fois de son lieu de travail et du lieu de résidence de sa famille, qui assure la garde des enfants. Anne Lambert confirme et précise à cet égard les travaux portant sur le logement des ouvriers et petits employés, mais elle porte aussi au jour continuités ou changements souvent passés sous silence quand, par exemple, elle insiste sur les « ressources » que peut procurer le pavillon, lieu d’hébergement de parents qui procurent un service, se retrouvent au chômage, ou y séjournent en vacances – le pavillon étant alors siège de la « maisonnée » (Gollac 2011) plus que de la famille nucléaire.

Enfin, le livre souligne une dernière constante : l’habitat pavillonnaire rapproche des ménages que distinguent le statut social, l’origine, la durée de l’implantation locale. Si l’on excepte les lotissements fermés de la grande bourgeoisie, dont Le Vésinet étudié par Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon a été un emblème (1994), ceux qui ont vu le jour à partir de la fin du XIXe siècle sont hétérogènes. Populaires, ils ont vu coexister les ouvriers à l’emploi stable, les petits employés et souvent les indépendants – petits commerçants et artisans. Marqués par les classes moyennes (« nouvelles » ou non (Bidou 1984)), ils ont fait cohabiter les multiples professions intermédiaires et les cadres salariés. Dans le périurbain d’aujourd’hui comme dans les anciennes banlieues industrielles, l’hétérogénéité n’est pas seulement sociale, elle concerne aussi le pays d’origine – l’auteure le montre bien à l’encontre d’études récentes montant trop vite en généralité (voir, par exemple, Guilluy 2014), le seul reproche qu’on puisse lui faire étant d’utiliser, avec le mot « mixité sociale », le vocabulaire de la politique du logement. Or cette coexistence est aussi une confrontation de modes de vie génératrice de clivages porteurs de tensions, sinon de conflits. Elle ne va pas, en outre, sans la domination du groupe au statut supérieur à celui des autres – ou, dans certains cas, depuis plus longtemps présent localement – groupe qui se donne les moyens d’exercer un contrôle social sur l’ensemble du lotissement. Analysant ce phénomène à propos des petites classes moyennes de l’habitat qu’elle étudie, l’auteure n’est pas sans rappeler l’étude menée par l’historienne Annie Fourcaut sur le lotissement de Domont dans l’ancienne Seine-et-Oise : entre 1928 et 1938, au-delà de la proche banlieue parisienne, une « élite française d’employés et d’ouvriers » imposait à des briquetiers italiens et polonais venus les rejoindre les normes d’hygiène, d’esthétique urbaine et d’urbanité qu’elle avait fait siennes, transformant ainsi un lotissement « défectueux » aux allures rurales en un quartier pavillonnaire moderne (1991).

L’espace comme objet d’étude sociologique

Menant en profondeur l’étude ethnographique de l’hétérogénéité du lotissement pris en considération, Anne Lambert analyse finement ce que le social doit à la configuration de l’espace résidentiel, à plusieurs niveaux.

Tout d’abord, l’examen de la morphologie physique du lotissement – l’emplacement des pavillons au sein de celui-ci, leur disposition les uns par rapport aux autres, leurs qualités et aspects matériels – lui permet d’affiner les différenciations entre catégories sociales et de montrer comment celles-ci s’articulent aux diversités d’origine autant qu’à la durée d’implantation dans le secteur du nouvel habitat. Le livre montre, en particulier, comment une trajectoire résidentielle ascendante peut s’accompagner d’une trajectoire sociale sans progression quand, par exemple, des ouvriers d’origine portugaise, turque ou maghrébine, jouissant depuis longtemps d’un emploi stable dans le secteur, quittent l’HLM pour une maison qu’ils sont les seuls à construire de façon artisanale et qu’ils aménagent et meublent conformément à l’échelon le plus haut des goûts en vigueur dans le groupe de même origine. Ici, l’assurance que procure un emploi sûr se combine au « capital d’autochtonie » (Retière 2003) lié à l’enracinement, pour transformer l’accès à la propriété en élévation sociale : les réseaux locaux « valident » et reconnaissent comme tels l’achat et l’aménagement de la maison. Le logement est alors moins marqueur que créateur de statut social.

L’intérieur de l’habitation est une composante importante du statut : il exprime à travers le style de vie, à la fois la position socioprofessionnelle, l’origine géographique et le projet résidentiel. Anne Lambert le montre bien, avec Sabrina Bresson et Pierre Gilbert (Bresson 2010 ; Gilbert 2014) : l’ameublement le plus « parcimonieux » signale les plus faibles revenus et l’assèchement du pouvoir d’achat par le crédit immobilier ; la « modernité » des meubles neufs, la cuisine ouverte et un second œuvre très soigné sont, chez les jeunes couples des professions intermédiaires, à la fois signe d’appartenance aux classes moyennes, fussent-elles très « petites », et d’une valorisation d’un patrimoine immobilier indispensable pour poursuivre ailleurs la trajectoire résidentielle vers le haut ; à l’inverse, la cuisine fermée, les pièces de séjour accueillantes et très colorées signent l’appartenance au monde ouvrier, mais aussi l’origine, quand la première exprime, par exemple, les habitudes culinaires de primo-immigrants de l’Afrique subsaharienne.

L’espace, ensuite, peut infléchir les parcours sociaux. Le livre en fait la démonstration en suivant la voie, déjà ouverte mais pas toujours pratiquée, de la décomposition analytique de l’unité « ménage » : femme, homme, enfants sont ici pris en considération séparément et en interrelation pour rendre compte des effets de l’espace, ou de ce que celui-ci révèle de la société qu’il circonscrit. L’attention particulière que l’auteure porte à la femme et aux relations au sein du couple confirme tout d’abord l’importance de son rôle dans l’accès à la propriété du logement, soulignée dès 1982, en « pionniers », par Paul Cuturello et Francis Godard (1982). Mais l’analyse est ici plus précise et novatrice, quand elle fait comprendre comment s’opèrent au sein du couple les choix résidentiels, ou encore comment la localisation du lotissement pavillonnaire peut, en dégradant la situation d’emploi de la femme ou la contraignant à devenir ménagère, rompre la trajectoire sociale de celle-ci, l’enfermer dans une « prison dorée », aggraver son infériorisation et rendre davantage inégal le partage des tâches domestiques au sein du couple. Les enfants sont eux aussi des acteurs à part entière : souvent révélateurs des clivages et conflits – sociaux ou « racialisés » – au sein de l’habitat, ils peuvent aussi en être les facteurs. Porteurs, en outre, de l’espoir d’un meilleur avenir social, ils cristallisent et aggravent le désenchantement que comporte l’installation dans le nouvel habitat, quand la municipalité, après avoir créé une « microségrégation » par la réalisation du lotissement en deux tranches au peuplement contrasté, opère une affectation scolaire discriminatoire aux dépens des catégories de ménages les plus modestes et d’immigration récente.

Enfin, et à l’inverse, le chapitre consacré aux pratiques et représentations politiques qui clôt le livre, dément l’effet de lieu et de la propriété du logement dans ce domaine – serpent de mer des sciences sociales françaises qui établissent volontiers une correspondance mécanique entre habitat pavillonnaire et comportement politique. L’auteure insiste une fois de plus sur l’hétérogénéité existante au sein du lotissement : sur le contraste des rapports aux élus locaux, sur lesquels le groupe des professions intermédiaires étend son contrôle social, en lieu et place des ouvriers les plus enracinés ; sur la diversité des orientations politiques qui doivent bien plus à la socialisation politique – acquise en usine par les ouvriers enracinés, ou en HLM par les immigrés récents – qu’à la propriété d’un pavillon ; sur l’opposition des comportements électoraux, plus difficiles à saisir au niveau du lotissement, mais dont l’enquête ethnographique parvient à révéler les ressorts, en montrant que le vote à gauche est en relation étroite avec la socialisation politique, tandis que le vote à droite peut traduire ressentiment et peur du déclassement à l’encontre des voisins immigrés.

On l’aura compris : pour saisir les transformations sociales liées aux politiques de développement de l’accès à la propriété dans le périurbain, il est urgent de lire ce livre – et pour les chercheurs de suivre et creuser plus loin son sillon. Mais il n’est pas moins important, pour l’action publique, d’en méditer les analyses pour se convaincre, en particulier, de la nécessité impérieuse d’une politique efficace de transports publics reliant les habitats nouveaux aux bassins d’emploi et d’une politique scolaire non discriminatoire.

Bibliographie

  • Bidou, C. 1984. Les Aventuriers du quotidien : essai sur les nouvelles classes moyennes, Paris : Presses universitaires de France.
  • Bresson, S. 2010. Du plan au vécu. Analyse sociologique des expérimentations de Le Corbusier et de Jean Renaudie pour l’habitat social, thèse de doctorat en sociologie, université François-Rabelais, Tours.
  • Chamboredon, J.-C. et Lemaire, M. 1970. « Proximité spatiale et distance sociale. Les grands ensembles et leur peuplement », Revue française de sociologie, vol. 11, n° 1, p. 3‑33.
  • Cuturello, P. et Godard, F. 1982. Familles mobilisées. Accession à la propriété du logement et notion de l’effort des ménages, Paris : Ministère de l’Urbanisme et du logement, Plan Construction.
  • Fourcaut, A. 1991. « Naissance d’un quartier ordinaire en banlieue parisienne : le Nouveau Domont (1923‑1938) », in Faure, A. (dir.). Les Premiers Banlieusards. Aux origines des banlieues de Paris, 1860‑1940, Paris : Éditions Créaphis, p. 215‑247.
  • Gilbert, P. 2014. Les classes populaires à l’épreuve de la rénovation urbaine. Transformations spatiales et changement social dans une cité HLM, thèse de doctorat en sociologie, université Lyon‑2.
  • Gollac, S. 2011. La pierre de discorde : stratégies immobilières familiales dans la France contemporaine, thèse de doctorat en sociologie, Paris : École des hautes études en sciences sociales (EHESS).
  • Guilluy, C. 2014. La France périphérique : comment on a sacrifié les classes populaires, Paris : Flammarion.
  • Pinçon, M. et Pinçon-Charlot, M. 1994. « Propriété individuelle et gestion collective. Les lotissements chics », Les Annales de la recherche urbaine, n° 65, p. 34‑46.
  • Retière, J.-N. 2003. « Autour de l’autochtonie. Réflexions sur la notion de capital social populaire », Politix, n° 63, p. 121‑143.

Que s’est-il passé place de la République ? Informations désinformées des journaux télévisés - Acrimed

Dans le cadre de l’état d’urgence, la Préfecture de police avait interdit la manifestation prévue dimanche 29 novembre à Paris, à l’occasion de la journée mondiale de mobilisation pour le climat. Des mobilisations se sont tenues malgré tout ce dimanche, veille de l’ouverture du sommet de l’ONU sur le changement climatique (COP21), dans plusieurs villes de France. A Paris, une chaîne humaine était prévue sur le parcours de la manifestation interdite, ainsi qu’une action symbolique et un rassemblement à République.

Ce dernier, sous haute surveillance, s’est conclu par des heurts entre les manifestants et la police qui ont, sans surprise, focalisé l’attention des médias. Et force est de constater que le traitement de ces violences, par la plupart des grands médias, s’est avéré largement biaisé ou incomplet. Les journaux télévisés de 20h du dimanche soir de TF1 et France 2 en donnent une illustration exemplaire.

« Les violences » : vedettes des JT

C’est un théorème bien connu du traitement médiatique des mobilisations sociales : si violences il y a, il convient qu’elles occupent l’essentiel de l’attention des médias – au détriment de l’explication des enjeux ou des revendications des mobilisations…

Ce théorème s’applique tout à fait au journal de 20h de France 2 du 29 novembre : trente secondes seulement y sont dédiées à la journée de mobilisation mondiale à la veille de la COP21 et aux initiatives dans toute la France. À comparer avec le temps dévolu aux « violences » (1 min 42). Le journal de TF1 y consacre un temps équivalent, à la suite d’un sujet néanmoins plus complet sur les mobilisations de la journée.

Les affrontements de la place de la République – bien réels mais très minoritaires au regard du nombre de manifestants et du déroulé des événements de la journée – ont occupé une place importante dans les deux journaux télévisés, et figurent parmi les premiers titres. Le récit qui en a été fait est relativement similaire, et on y apprend notamment que :

- se tenait un rassemblement composé « d’une centaine de manifestants, souvent cagoulés, avec des pancartes anticapitalistes et libertaires » et qui était interdit « conformément à l’état d’urgence » – d’après France 2. Le journaliste de TF1 présente quant à lui un rassemblement « anti COP21 et anticapitaliste […] infiltré par des individus radicalisés ».

- les CRS ont fait l’objet de tirs de projectiles et qu’ils ont « riposté » par des tirs de gaz lacrymogène et de grenades assourdissantes ;

- des « casseurs » ont « en partie détruit le mémorial dédié aux victimes des attentats en jetant des bougies, des pots de fleur » sur les CRS d’après France 2. Pour TF1, « le mausolée en hommage aux victimes des attentats est saccagé ; pots de fleur et bougies servent de projectiles ».

C’est tout ? Presque.

La version policière, seulement la version policière

Les deux JT se contentent en réalité de relater une version des « événements » de l’après-midi conforme à celle de la Police. France 2 : « les CRS […] ont essuyé de très nombreux tirs de projectiles et […] ont riposté aux quatre coins de cette place de la République par de très nombreux tirs de gaz lacrymogène ». TF1 : « les militants les plus radicaux ont provoqué les premières échauffourées avec les policiers ».

En d’autres termes :

Des commentaires qui concordent avec les déclarations du Préfet (reprises sur la plupart des sites d’information) : les manifestants « ont attaqué la police avec des gaz lacrymogènes, des boules de pétanques, des chaussures... »

Les policiers et les CRS ont-ils fait preuve de « violence » ? Nous ne le saurons pas. Ont-ils « provoqué » les manifestants ? Nous ne le saurons pas. Parce que le Préfet n’en a pas parlé ?

Mais ce que nous aurons, en revanche, c’est ceci :

TF1 : « Ce soir plus de deux cents personnes ont été interpellées, 174 placés en garde à vue » ; France 2 : « Au total, il y a eu 208 interpellations parmi les manifestants, et 174 personnes sont encore ce soir en garde à vue. »

Soit, une fois de plus, les informations communiquées par la Préfecture. Sans aucun commentaire de la part des journalistes, alors même que le nombre important d’interpellations correspond, voire est supérieur au nombre de manifestants annoncé par les JT… Dans quelles conditions les manifestants ont-ils été interpellés ? Nous ne le saurons pas. Qui sont les interpellés ? Nous ne le saurons pas. Pour quel motif ? Nous ne le saurons pas. Parce que la Préfecture n’en a pas parlé ?

Absence de pluralisme dans les réactions politiques et les commentaires

Au-delà de la reprise (sans vérification ni commentaire) de la version policière des incidents, on ne peut en outre s’empêcher de relever l’infinie variété des réactions que nous ont offertes les deux principaux JT de France.

Les deux chaînes ont ainsi relayé les déclarations du ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve et de François Hollande. France 2 : « Il y a une heure le président de la République a souhaité s’exprimer sur ces incidents qu’il a qualifiés de scandaleux » ; TF1 : « des actions qualifiées de scandaleuses par François Hollande » ; TF1 toujours (images de Bernard Cazeneuve qui s’exprime) : « Ces actes doivent être qualifiés avec la plus grande fermeté par respect pour les victimes de ces attentats ».

Du côté des responsables politiques, c’est tout.

Elles se sont en outre fait l’écho de réactions de passants constatant les dégâts après la manifestation, notamment autour du mémorial de République : « révoltant », « indécent », « inadmissible ». Des dégâts injustifiables, mais uniquement attribués à certains manifestants, conformément à la version de la Préfecture… laquelle était en contradiction avec de nombreux témoignages déjà disponibles.

La parole a-t-elle été donnée à des manifestants ? Non. À des témoins ayant une autre version que la version policière, ou d’autres commentaires à faire que ceux, à l’unisson, de la présidence de la République, du ministère de l’Intérieur et de la Préfecture ? Non.

Il y avait pourtant encore, en début de soirée, des centaines de personnes à République, qui avaient peut-être autre chose à dire, comme le démontraient déjà les multiples photos, vidéos et commentaires qui circulaient sur les réseaux sociaux. Mais de toute évidence, ces « autres voix » n’intéressaient pas les JT, trop occupés à assurer, aux côtés du gouvernement et des forces de police, le maintien de l’ordre.

***

Que s’est-il exactement passé le dimanche 29 novembre 2015 sur la place de la République à Paris ? Ce n’est pas grâce aux JT de TF1 et de France 2 qu’on le saura. À moins de considérer que la vérité sorte tout droit de la bouche du gouvernement et de la Préfecture, ce qui ne manque pas d’interroger sur l’utilité des journalistes... Pourquoi, en effet, se compliquer la tâche à fabriquer des reportages alors qu’il suffirait de copier-coller les images fournies par les autorités et les commentaires qui les accompagnent ?

Voilà qui serait plus commode et plus honnête vis-à-vis des téléspectateurs. Et voilà qui permettrait en outre de se dédouaner des éventuels impairs, informations partielles ou partiales, voire contre-vérités relayées à l’antenne.

Il n’aura en effet pas fallu attendre plus de quelques heures pour se rendre compte que la version policière reprise sans aucune distance par les « grands médias » était loin de faire l’unanimité parmi les témoins des scènes de violence, y compris certains journalistes. Des contestations de la version policière des événements qui concernent notamment les destructions occasionnées sur le mémorial de la place de la République, sur lesquelles nous reviendrons dans un prochain article.

Un prochain article ? Oui. Car contrairement à certains « grands médias », nous pensons que l’information nécessite vérifications, recoupements, et esprit critique vis-à-vis de la parole officielle. À moins de considérer que, état d’urgence oblige, les journalistes se doivent d’être de simples auxiliaires de police.

Frédéric Lemaire et Julien Salingue


Annexes : déroulé des JT de TF1 et France 2 (29 novembre, 20h)

Annexe 1 : JT de TF1

Après 6 min 32 sur l’ouverture de la COP21 :

- Un sujet de 2 min 04 sur « des mobilisations remarquées malgré l’interdiction de manifester » (les mobilisations internationales, la chaîne humaine à Paris, les marches en province, etc.) ;

- Un sujet de 1 min 39 titré « Plus de 200 personnes interpellées après des échauffourées à Paris ».

Verbatim :

« En marge de ces opérations pacifistes les militants les plus radicaux ont provoqué les premières échauffourées avec les policiers, des actions qualifiées de scandaleuses par François Hollande, 208 manifestants ont été interpellés. Plus de 200 personnes interpellées, 174 placées en garde à vue. »

« Peu avant 15h place de la République, un déluge de pavé, de chaussures, de bouteilles de verre. Plusieurs dizaines d’individus vêtus de noir, visages masqués, projettent tout ce qui leur passe sous la main en direction des CRS (apparaît l’image envoyée par la Préfecture des objets jetés sur la police). Les forces de l’ordre répliquent à coup de gaz lacrymogène et de grenades assourdissantes ».

« C’est l’escalade, une barrière en métal est lancée par la police. Inquiets, des commerçants ferment leurs rideaux, au pied de la statue, le mausolée en hommage aux victimes des attentats est saccagé ».

Policier : « Eh vous descendez, vous descendez de la statue ».

« Pots de fleur et bougies servent de projectiles devant des badauds médusés. »

S’ensuivent les propos d’un passant qui qualifie cela d’« indécent ».

« Un peu plus tôt les CRS s’étaient déployés en nombre autour de la place pour en filtrer les accès, et encadrer une action anti COP21 et anticapitaliste. Un rassemblement interdit comme tous les autres depuis la proclamation de l’état d’urgence et infiltré par des individus radicalisés. »

Bernard Cazeneuve : « Ces actes doivent être qualifiés avec la plus grande fermeté par respect pour les victimes de ces attentats ».

« Ce soir plus de deux cents personnes ont été interpellées, 174 placés en garde à vue. »

Annexe 2 : JT de France 2

Après 5 min 23 sur l’ouverture de la COP21, un sujet de plus de deux minutes sur les mobilisations de dimanche :

Verbatim :

« Malgré les interdictions liées à l’état d’urgence, plusieurs rassemblements ont eu lieu aujourd’hui, rassemblements en faveur d’un accord sur le climat d’abord un peu partout en France, à Toulouse, Marseille ou encore à Bordeaux ; rassemblement symbolique également à Paris avec des milliers de chaussures disposées place de la République, rappelant les marcheurs pour la planète avec quelques paires étonnantes, celles du pape François, ou encore les baskets du secrétaire général des Nations-Unies Ban Ki Moon. »

« Mais quelques heures plus tard l’atmosphère s’est tendue, avec l’arrivée de plusieurs centaines d’activistes cagoulés, en direct sur place on va retrouver Laurent Desbonnets, Laurent d’abord est-ce que ces incidents sont terminés, il y a eu en tout cas de nombreuses interpellations et cela à quelques mètres du lieu d’hommage aux victimes des attentats. »

« Oui le calme est revenu mais la situation est toujours assez tendue, avec une présence policière toujours massive pour contenir des manifestants toujours présents dans les rues adjacentes ; après un après-midi d’affrontements, ces images de violences ; les CRS qui ont essuyé de très nombreux tirs de projectiles et qui ont riposté aux quatre coins de cette place de la République par de très nombreux tirs de gaz lacrymogène. Tout a dégénéré en début d’après-midi avec l’arrivée d’une centaine de manifestants, souvent cagoulés, avec des pancartes anticapitalistes et libertaires, ils se sont retrouvés face à de solides cordons de CRS qui les ont empêché de manifester conformément à l’état d’urgence ; des casseurs sont alors entrés en action et ce qui a beaucoup choqué ici c’est qu’ils ont en partie détruit le mémorial dédié aux victimes des attentats en jetant des bougies, des pots de fleur, ou encore toute sorte d’objets en verre présents sur ce mémorial en les jetant sur les CRS. C’est révoltant, inadmissible me disait à l’instant une personne venue se recueillir après ces violences. Au total, il y a eu 208 interpellations parmi les manifestants, et 174 personnes sont encore ce soir en garde à vue. »

« Merci beaucoup Laurent, et il y a une heure le président de la République a souhaité s’exprimer sur ces incidents qu’il a qualifiés de scandaleux, eu égard à ce lieu de mémoire, et je cite aux enjeux de la conférence sur le climat qui doit permettre au monde de décider de l’avenir de la planète ».

« Revenons sur les rassemblements pacifiques qui ont eu lieu un peu partout dans le monde… »


mardi 15 décembre 2015

Beurk classique: "Rions" des agressions sexuelles avec La Provence - Arrêt sur images https://t.co/DTiKwbrmDs via @arretsurimages


Il n'y a qu'un seul pays au monde qui s'oppose à l'idée de rendre Israël responsable de ses crimes… https://t.co/5KulbAguKp


jeudi 10 décembre 2015

Latifa Ibn Ziaten huée à l'Assemblée nationale : « C'était très agressif » https://t.co/O366xeDXqv


GoPro: Danny MacAskill - Cascadia

Soleil, Vacances, Vélo
via Facebook https://www.youtube.com/watch?v=GL0rbxB9Lqg

Martinik Muzik | ARTE Radio https://t.co/ftsMSaDzlE


C'est parti pour deux semaines autour des fictions sonores pour la jeunesse sur _Syntone_ ! Un… https://t.co/1gwZmkwPi2


jeudi 3 décembre 2015

“Strikes on Isis are a trap” - ex-hostage Nicolas Henin

Bon je crois que c'est clair (surtout le passage sur les migrants), l'état islamique s'effondrera aussitôt que la population syrienne aura un espoir politique, pas des bombes sur la tête
via Facebook https://www.youtube.com/watch?v=KovpPJULvgk

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